samedi 25 juin 2011

Colis : La Poste soupçonnée d'assécher la concurrence

Colis : La Poste soupçonnée d'assécher la concurrence

L'Autorité de la concurrence a prononcé jeudi une mesure d'urgence à l'égard de La Poste, l'obligeant à suspendre la signature d'un partenariat avec Mondial Relay. Cet accord avec la filiale des 3 Suisses est dénoncé par les concurrents comme Kiala.

Alors que le marché du courrier ne suscite rien d'autre qu'un désintérêt poli, le segment du colis attise en revanche bien des convoitises. Au point que l'Autorité de la concurrence a dû taper jeudi sur les doigts de La Poste, soupçonnée de vouloir fragiliser la concurrence en s'alliant avec un puissant opérateur privé.

L'antitrust français a ainsi prononcé une «mesure d'urgence» à l'adresse du groupe public «afin de sauvegarder la concurrence dans le secteur de la livraison de colis aujourd'hui en pleine expansion». En cause, le partenariat que La Poste négocie depuis quelques mois dans la discrétion avec Mondial Relay, la filiale de livraison en point relais du groupe 3 Suisses International. Cette mesure d'urgence suspend de facto cet accord, dans l'attente de la décision sur le fond qui devrait intervenir dans les prochains mois, voire en 2012. Jean-Paul Bailly, le patron du groupe public, l'avait déjà anticipé, en repoussant la signature de cet accord dans l'attente de la décision de l'Autorité.

Force de frappe énorme

Au vu des motifs avancés pour justifier cette décision, on peut toutefois déjà constater que l'Autorité de la concurrence voit visiblement d'un très mauvais oeil ce partenariat. La Poste, via son bras armé ColiPoste, est le leader incontesté du secteur, avec son réseau de 17.000 points de contacts et ses plus de 250 millions de colis livrés. Se rapprocher de Mondial Relay lui permettrait d'enrichir grandement son offre (notamment son produit So Colissimo, qui propose plusieurs solutions de livraison), en accédant au réseau de 4.300 points de retrait de la filiale des 3 Suisses. Or, porté par la croissance exponentielle du commerce électronique, cette livraison en point relais «se développe fortement et représente aujourdhui de 15% à 20% des volumes, soit environ 50 millions de colis par an».

Vu la force de frappe des deux partenaires, les autres opérateurs privés «risquent de ne pouvoir concurrencer efficacement La Poste auprès des sites de vente en ligne» si jamais l'accord est conclu, estime l'Autorité de la concurrence. Celle-ci dit craindre que cette stratégie «puisse aboutir à terme, si elle était mise en oeuvre, à un assèchement de la concurrence sur le marché». D'autant qu'un tel accord diminuera «les incitations de Mondial Relay à concurrencer La Poste dans la mesure où [la société] bénéficiera d'une partie des recettes générées par La Poste au travers des volumes de colis qu'elle traitera pour son compte».

Kiala défie La Poste

Cette décision doit ravir les autres opérateurs, et notamment Kiala, qui est à l'origine de cette initiative de l'Autorité de la concurrence. Cette entreprise, dirigée par Denis Payre -fondateur de Business Objects -a percé en peu de temps sur le marché de la livraison de colis, affichant un chiffre d'affaires en 2010 de 47,2 millions d'euros (+40% sur un an) grâce à un réseau de 5.600 points de livraison. Ce nouveau venu se défie de l'encombrant leader du marché, ColiPoste, la branche spécialisée du groupe postal. «Nous serons très vigilants et, sans faire de procès d'intention, nous veillerons à ce qu'il n'y ait pas de stratégie constitutive d'un abus de position dominante», expliquait il y a quelques mois Denis Payre.

RENAUD HONORÉ

(Source: Les Echos)

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