samedi 6 novembre 2010

Retraite: Sans surprise...

Retraites : la mobilisation en net recul, les syndicats divisés sur la suite


Le reflux est sans appel : de 375 000, selon la police, à 1,2 million de personnes, selon les syndicats, ont défilé pour la huitième fois dans toute la France, samedi 6 novembre, contre la réforme des retraites. Un "net recul", estime le ministère de l'intérieur. Le 28 octobre, 560 000 à 2 millions de manifestants avaient été comptabilisés, moins que le record du 23 septembre (997 000 à 3 millions de participants) ou le 12 octobre (899 000 contre plus de 3 millions).


Sans surprise, l'adoption de la loi par le Parlement, ainsi que la volonté de certains syndicats de passer à "d'autres formes" de mobilisation n'ont pas motivé les manifestants. Sans compter l'arrivée du froid et de la pluie sur une bonne partie du pays, qui a pu faire encore reculer la détermination des opposants à la réforme des retraites.

- La mobilisation recule partout. On comptait, selon le ministère de l'intérieur, moins de cortèges dans le pays : 141 contre 260, le 17 octobre dernier. Du nord au sud de la France, les chiffres sont en baisse : 13 000 (selon la police) à 110 000 (selon les syndicats) personnes à Toulouse, contre 15 000 à 150 000 le 28 octobre dernier ; 8 500 à 80 000 personnes à Marseille, contre 12 000 à 150 000 lors de la dernière journée, 6 500 à 15 000 personnes à Rennes contre 9 500 à 25 000 le 28 octobre, de 9 200 à 28 000 à Lyon...

Nulle part on n'a compté de hausse de la participation. Les syndicats ont parfois procédé à des comptages étonnants : à Paris, alors que la préfecture n'annonçait qu'un recul modéré, de l'ordre de 10 % (28 000 contre 31 000 le 28 octobre), la CGT a compté quasiment deux fois moins de manifestants (90 0000 contre 170 000 le 28 octobre). Quasiment aucun incident important n'a émaillé les défilés.



- Les syndicats divisés sur la suite du mouvement. Les organisations syndicales ont de plus en plus de mal à afficher un front uni. Tandis que Bernard Thibault (CGT) assurait samedi dans L'Humanité que sa formation est prête à poursuivre la lutte "jusqu'au bout", même seule, il a reconnu une participation "moindre", tout en estimant qu' "il n'est pas aberrant qu'il y ait dans une séquence de long combat du flux et du reflux".

Jean-Claude Mailly (FO), dont la formation n'est pas membre de l'intersyndicale, s'en est pris directement à la CGT et à la CFDT. Remonté, il fait le constat qu'il y a "moins de monde" dans les rues, mais dénonce un "certain gâchis dans la conduite du mouvement", et tacle directement Bernard Thibault. "Si la CGT voulait vraiment cogner sérieusement et exiger le retrait [de la loi], ce qu'elle n'a jamais demandé, il fallait aussi accepter d'appeler à la grève." FO souhaitait en effet appeler à une journée de grève supplémentaire, ce que refuse l'intersyndicale. Annick Coupé, porte-parole de Solidaires, a déclaré de son côté que "le gouvernement pensait que la mobilisation était finie, elle n'est pas terminée". Et promet : "On ne capitule pas, on ira jusqu'au bout."


Accusé par certains syndicalistes d'être déjà dans la fin du mouvement, François Chérèque (CFDT) a tenu à assurer qu'il y aurait une nouvelle journée de mobilisation fin novembre, après la promulgation de la loi, à laquelle la CFDT participerait. "On a décidé de faire une nouvelle mobilisation, on va définir comment se déroulera cette journée", a-t-il rappelé samedi. Une réunion de l'intersyndicale est prévue lundi à ce sujet mais beaucoup craignent qu'une neuvième journée soit encore plus décevante au niveau de la participation.

Plus modéré encore, Jacques Voisin, président de la CFTC, a assumé le fait qu'il fallait "passer à d'autres formes de démarches", car "la manif peut tuer la manif". Enfin, Bernadette Groison, de la FSU (syndicat de la fonction publique) évoque une "manifestation nationale" à Paris (formule qui n'avait pas encore été utilisée par les syndicats) et juge que "les revendications sont fortes", manière d'évoquer la nécessité de mesures sociales rapides. Le pari des syndicats semble désormais d'obtenir des concessions sur les salaires et l'emploi auprès du gouvernement et du patronat. Laurence Parisot, la patronne du Medef, en a accepté le principe.

- La gauche prend acte, Martine Aubry se fait offensive. L'opposition a également pris acte du recul de la participation. Parlant d'un bilan "fortement contrasté", Benoît Hamon, porte-parole du PS, préfère louer le bilan global du mouvement, "exceptionnel par le témoignage de solidarité entre les Français du public et du privé, entre jeunes et moins jeunes durant les cinq mois où les gens sont descendus dans la rue". Martine Aubry, qui manifestait à Lille, s'est montrée bien plus offensive, estimant que Nicolas Sarkozy ne serait "pas quitte" de cette loi, même une fois promulguée. Pour la première secrétaire du PS, qui a promis que "jusqu'au bout, les socialistes seront avec les Français et avec les syndicats", "les manifestations seront sans doute d'une autre nature, mais il faudra continuer à dire au président de la République qu'on ne prend pas des décisions de cette nature contre les Français".

Rappelant une nouvelle fois que son parti s'est engagé à revenir sur cette réforme en cas de victoire, la maire de Lille a chargé frontalement le chef de l'Etat : "On ne gère pas notre pays en le divisant, comme il [Nicolas Sarkozy] le fait dans d'autres sujets, entre les Français et les non-Français par exemple. On ne dirige pas le pays sans préparer l'avenir, sans donner le cap, et en créant jour après jour des inégalités."

- Discrétion à droite. La majorité s'est en revanche montrée discrète sur cette nouvelle journée de mobilisation. Le porte-parole adjoint de l'UMP, Dominique Paillé, s'est borné à estimer que le mouvement devait désormais prendre fin sous peine pour les syndicats de "se tirer une balle dans le pied", appelant à prendre conscience du rôle international de la France.

(Source: LEMONDE.FR | 06.11.10)

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