jeudi 3 juin 2010

"A force de tirer sur l'élastique, il finit par lâcher"

La Poste. Sud PTT : "A force de tirer sur l'élastique, il finit par lâcher"


.Secrétaire régional de l'union Sud-Solidaires de Bretagne et salarié de La Poste, le Briochin Serge Le Quéau dresse un tableau alarmant de son entreprise.

Selon le syndicat des médecins de prévention de La Poste, votre entreprise crée des inaptes physiques et psychologiques?

«Nous faisons depuis longtemps le même constat que les médecins mais, jusqu'ici, nous n'étions pas entendus. Comme eux, nous voyons la situation physique et mentale des postiers se dégrader de manière hyper inquiétante. Il y a eu énormément de tentatives de suicide que notre direction a pu cacher. Car, contrairement à France Télécom, il y a de nombreux petits établissements à La Poste. Tous les jours des gens nous appellent pour nous dire que La Poste exerce des pressions pour qu'ils démissionnent. De plus en plus de postiers ont des problèmes physiques et sont déclarés inaptes. Avant, les possibilités de reclassement interne existaient mais, aujourd'hui, La Poste ne l'accepte plus.
Résultat, les médecins sont accablés. Celui des Côtes-d'Armor m'appelle au moins une fois par semaine pour me demander d'intervenir».

Que se passe-t-il concrètement ?

«Il y a une telle intensification du travail, que cela ne peut que péter. Au centre de tri de Saint-Brieuc, avec les nouvelles machines récemment installés, on a l'impression d'être dans un film de Charlot. Les cadences sont tellement rapides que les gens courent tout le temps. Aujourd'hui, le mal-être du personnel est généralisé. D'autant plus que nous sommes en restructuration permanente. Les gens vivent dans une incertitude totale concernant leur avenir. Je reprends l'exemple du centre de tri de Saint-Brieuc dont la fermeture est programmée: récemment, des personnes qui ont plus de 50 ans et qui travaillent de nuit depuis plus de 30 ans se sont vues proposer de devenir facteur roulant. Et ceci, à plus de 50 km de chez elles. Chez les jeunes, c'est pareil. Un collègue de 28 ans travaillant à Dinan m'a raconté qu'au début de sa carrière, il travaillait 10 à 12h par jour, alors qu'il était payé 7h. Tout ça parce que les tournées sont devenues très longues et qu'il avait peur de perdre son travail».

Qu'est-ce qui guide ces choix selon vous?

«Il y a peu, dans notre journal interne, Jean-Claude Bailly, le président de La Poste, a annoncé qu'il souhaitait arriver à un chiffre d'affaires de 23 milliards d'euros, avec un taux de rentabilité (marge brute) de 8%. C'est-à-dire la même rentabilité que les entreprises du Cac 40. Seulement, ces gains de productivité, notre direction veut les faire au détriment des conditions de travail du personnel. Ils veulent augmenter la charge de travail avec toujours moins de moyens. Mais à force de tirer sur l'élastique, il finit par lâcher».

Cette politique est-elle récente?


«Cette lente dégradation s'est faite progressivement. Elle est liée aux suppressions d'emplois. Depuis 2002, 62.000 emplois ont été supprimés au plan national. Et d'ici 2015, 50.000 autres sont programmés. Seulement, lorsque nous parlons de tout ceci avec nos dirigeants, ils utilisent le déni de réalité. Ces méthodes de management sont les mêmes que celles utilisées chez Renault et France Télécom. Et on arrive aux mêmes résultats. Tout ça pour faire passer leur politique de rigueur sociale et de restructuration et augmenter la productivité de l'entreprise».

La résistance des salariés n'est pas possible?

«Pour nous, syndicats, c'est de plus en plus difficile. Car les méthodes de management utilisées par la Poste (et qui ont été théorisé par le psychosociologue américain Tom Peters) s'appuient sur trois piliers: déstabiliser les gens dans leurs repères géographiques, leur faire perdre leurs repères hiérarchiques et les obliger à accomplir des taches contraires à leurs valeurs et à leur éthique. Le but, c'est de casser toute résistance, de rendre les gens serviles. Qu'ils se
raccrochent à la première bouée qu'on leur tend et qu'ils acceptent n'importe quoi».

paru le 2.06.2010
(Source:Le Telegramme)

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