lundi 3 août 2009

A Carros , La Poste a plié

Politique - Article paru le 3 août 2009


Restructuration . Après 47 jours de grève, les facteurs des Alpes-Maritimes reprennent leurs tournées ce matin. Pour la CGT, le compromis sonne comme une victoire.
Alpes-Maritimes, correspondant régional.
Chacun des milliers d’usagers de la quinzaine de villages autour des communes de Carros et Saint-Martin-du-Var (Alpes-Maritimes) retrouve ce matin « son » facteur. Qu’il en profite car, sauf grand succès du référendum sur l’avenir de La Poste qu’entendent organiser à la rentrée syndicats, associations et partis de gauche, l’expression « mon facteur » n’aura bientôt plus cours. La loi proposée au dernier Conseil des ministres, et qui sera discutée cet automne au Parlement, porte en germe, selon ses opposants, la privatisation de La Poste, synonyme pour les syndicats de restructuration des bureaux et centres de tri, de refonte des tournées de facteur avec, à la clé, des suppressions d’emplois en nombre et le début de la fin pour le service public postal. Pour la CGT, le projet Facteurs d’avenir, qui est mis en place progressivement depuis quelques mois, prépare le terrain à cette privatisation. À Carros et Saint-Martin-du-Var, ce projet se traduisait principalement par le regroupement des deux bureaux de centre-ville dans un local d’une zone industrielle et l’instauration de 18 semaines par an de « sécabilité », c’est-à-dire de prise en charge par chaque facteur, en plus de sa tournée « normale », d’une partie d’une autre tournée. Tout cela pour gagner en productivité, la direction de La Poste se justifiant en mettant l’accent sur la baisse effective du trafic postal pour cause d’« explosion » des courriels par Internet.
C’est contre cela que le 15 juin dernier se sont mis en grève 30 des 36 facteurs du coin (et pour la plupart c’était une première !), sachant dès le départ qu’ils ne pourraient gagner sur toute la ligne. Comme le souligne Sébastien Gonzalès, jeune facteur gréviste CGT de Carros, « à nos revendications locales, la direction opposait la stratégie nationale de Facteurs d’avenir, sur laquelle elle se montrait intraitable. Il était difficile à nous seuls de lui mettre des bâtons dans les roues ». D’autant que cette direction locale a dans un premier temps joué le pourrissement, en installant dès le premier jour de grève un centre de tri « sauvage » qui a employé jusqu’à 60 intérimaires certains jours, et en faisant le mort pendant tout le premier mois du conflit ! Le premier contact physique entre les deux parties a eu lieu en fait au tribunal de grande instance, devant lequel 21 facteurs ont été traînés pour avoir pris la parole, afin d’expliquer les raisons de leur mouvement, dans des locaux où ils ne sont pas ordinairement affectés. Il aura fallu toute la détermination de ces facteurs, plusieurs rassemblements et distribution de tracts à la population, deux manifs interprofessionnelles à l’initiative de la CGT, l’intervention de nombreux élus, principalement communistes, pour que le ministre de tutelle de La Poste, qui n’est autre que le maire de Nice, Christian Estrosi, et le préfet des Alpes-Maritimes soient amenés à organiser une première table ronde arbitrée par la direction départementale du travail. Vous avez dit dialogue social dans la fonction publique ?
Finalement les deux parties sont parvenues, vendredi dernier, à un compromis qui, pour la CGT sonne comme une victoire. Pour l’essentiel, le nombre de semaines de sécabilité est ramené à un maximum de six par an (contre 18 initialement envisagées) et le nombre de tournées de facteur passe de 36 à 38 dont 4 seulement sont sécables. Pour José Bério, responsable départemental des postiers CGT, cet accord peut ainsi se résumer : « La direction de La Poste, lancée dans une opération d’augmentation de productivité des facteurs, est stoppée dans son élan. » De plus, le protocole de sortie de conflit prévoit le paiement de dix jours de grève et de deux jours de repos accordés le week-end dernier aux grévistes, dont certains commençaient à craquer nerveusement. La solidarité financière aidant, les facteurs, qui n’ont touché, pour certains, que 485 euros en juin, auront donc un mois de juillet pas tout à fait sec. « C’est le meilleur accord, à propos de Facteurs d’avenir, obtenu en France à ce jour et qui pourra servir de socle à d’autres négociations dans d’autres centres postaux », se félicitent les responsables CGT.
(Philippe Jérôme . L'humanité)

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