vendredi 7 août 2009

Et si le patron de La Poste voulait privatiser...

Et si le patron de la Poste voulait privatiser son entreprise avant tout pour gagner plus?
Depuis que la vague des entreprises publiques à privatiser à débuté, il y a plus de vingt ans, on entend tout le temps la même antienne pour justifier un passage au privé: il faut s’adapter à la libéralisation du marché, aux mouvements de concentration européen, etc. C’est le cas avec la Poste. Jean-Paul Bailly, son président, explique ainsi depuis quelques jours, devant les journalistes et ses cadres, que, en raison de "la libéralisation du marché postal", qui interviendra en janvier 2010, La Poste, qui a un statut d’établissement public, avait "besoin de lever 2,5 à 3,5 milliards d'euros pour son développement". D’où sa demande: changer le statut de l’entreprise en société anonyme, puis préparer l’ouverture de son capital.
En des temps pas si lointains, les patrons de France Télécom, EDF ou Gaz de France avaient tenu les mêmes discours. Avec des arguments pas forcément idiots: pour se développer rapidement, il est plus facile pour une entreprise d’aller chercher du capital en bourse que de compter sur ses seuls bénéfices et c’est moins risqué que de s’endetter. Etre coté en bourse permet aussi d’acheter des concurrents en lançant des Offres publiques d’échange (OPE), une opération qui consiste à acquérir une société avec ses propres titres et qui n’est pas coûteuse en cash. Naturellement, ce n’est pas la seule solution, et les syndicats ont beau jeu de dire que, jusqu’à présent, le statut public de la Poste ne l’a pas empêché de se développer (exemple avec l'argumentaire de FO).
Mais, si on pousse le raisonnement de Bailly, on se rend compte que, pour faciliter la vie des entreprises publiques dans le monde des affaires, il est en fait beaucoup plus simple que l’Etat se retire complètement du jeu. En imposant par la loi un seuil en-dessous duquel l’Etat ne peut pas vendre d’actions, on empêche le développement de l’entreprise (c’est ce qui était arrivé à France Télécom et GDF, du coup, la loi a été changée, mais cela a pris plein de temps).
Tout ça pour dire que, quand on commence à ouvrir le capital d’une entreprise publique, et contrairement à toutes les promesses, la logique veut qu’on aille vers une privatisation totale. Même si la loi impose, pour l'instant, que l'Etat reste majoritaire à la Poste. Et qui dit privatisation totale dit contrôle par les actionnaires et les fonds de pension, pression constante sur la direction pour obtenir de la rentabilité, et menace de débarquement si les résultats ne sont pas au rendez-vous.
D’où une interrogation légitime. Qu’a à gagner Jean-Paul Bailly dans cette affaire? Et bien la réponse est simple: de l’argent. Bailly a 62 ans, et a une vie passée dans le secteur public (carrière à la RATP avant d’en devenir PDG, puis nomination en 2002 comme patron de la Poste). Et à l’approche de sa retraite, il doit bien se dire que toute vie passée au service du public, cela ne rapporte pas grand chose alors qu’on occupe de telles responsabilités. A savoir diriger la plus grosse entreprise française en terme de salariés (plus de 300 000 personnes sous ses ordres) quand, pour un poste équivalent dans le privé, on est rémunéré en millions à coup de bonus, stock-options, golden parachute et retraite complémentaire.
Quel est le salaire de Jean-Paul Bailly ? Officiellement, aucune chiffre ne circule. Seule indication, une indiscrétion de l’Express reprise par le Quid, datant de 2005, et qui faisait le point sur les salaires des dirigeants d’entreprises publiques: en 2004, Bailly aurait gagné 360 000 euros par an. Un tel chiffre semble très vraissemblable. Et on peut parier que cette somme n’a pas beaucoup varié depuis.
En revanche, la rémunération des patrons des entreprises publiques qui sont entrées en Bourse a connu une toute autre évolution. Et là, les chiffres sont publics.
Prenons Jean-François Cirelli, PDG de GDF, ancien conseiller de Jean-Pierre Raffarin à Matignon, et nommé à la tête du groupe gazier en 2004. Cette année là, le classement de l’Express le place derrière Bailly, avec 267 576 euros par an. En 2005, première forte progression: la rémunération passe à 357 257 euros (avec un petit bonus de 35 000 euros). En 2006, nouveau bond à 432 282 euros. Cette fois-ci, le bonus est monté à plus de 100 000 euros. En 2007, la progression est plus modeste. On passe à 455 324 euros. Résultat, en à peine trois ans, sa rémunération a progressé de 70%. Et ce n’est pas sûrement pas fini, en raison de la fusion avec Suez. On n'imagine pas que Cirelli, bien que dg du nouvel ensemble, ne soit pas traité aussi bien que le PDG Gérard Mestrallet (2,7 millions d’euros en 2007 sans compter les stock-options).
Autre exemple, celui de Pierre Gadonneix, un profil proche de celui de Bailly. Il a fait toute sa carrière dans le public (notamment en étant patron de GDF de 1996 à 2004). En 2004, il est nommé PDG d’EDF alors qu’il est proche de l’âge de la retraite (il est né en 1943). Sa rémunération est alors de 468 676 euros par an. En 2005, on passe à 549 660 euros, en 2006 à 807 155 euros, et en 2007 le million est dépassé: 1 055 731 euros. Soit, en trois ans, un doublement de son salaire, là aussi grâce à une augmentation importante du bonus (la partie variable de la rémunération).
A l’heure où Bailly fait campagne pour privatiser la Poste, on peut parier qu'il a en tête tous ces chiffres.
(source:bourse.com)

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